BCAE 2 : protection des zones humides et des tourbières

La BCAE 2 vise à protéger les zones humides et tourbières, écosystèmes cruciaux pour la biodiversité. Cette mesure impose des restrictions sur les activités agricoles dans ces zones sensibles, suscitant des préoccupations chez les agriculteurs concernant l'impact sur leurs exploitations.
À retenir29% des surfaces en France sont concernées par les zones humides et tourbières selon la FNSEA, dont 30% de la surface agricole utile en Bourgogne-Franche-Comté.

Définitions et critères des zones humides et tourbières

La protection des zones humides et des tourbières est un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité et la régulation du cycle de l'eau. La BCAE 2 vise à encadrer les pratiques agricoles sur ces milieux sensibles. Pour bien comprendre les implications de cette réglementation, il est essentiel de définir précisément ce que sont les zones humides et les tourbières selon les critères retenus.

Définition des zones humides

Le Code de l'environnement français définit les zones humides comme des "terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année". Cette définition s'appuie sur deux critères principaux :
  • Le critère pédologique : il concerne la morphologie des sols liée à la présence prolongée d'eau. On observe notamment des traces d'hydromorphie dans les 50 premiers centimètres du sol.
  • Le critère botanique : il se base sur la présence de plantes hygrophiles, c'est-à-dire adaptées aux milieux humides, comme les joncs, les carex ou les sphaignes.

Types de zones humides

Les zones humides regroupent une grande diversité de milieux, parmi lesquels on peut citer :
  • Les marais
  • Les prairies humides
  • Les tourbières
  • Les mares et étangs
  • Les bords de cours d'eau
  • Les forêts alluviales

Spécificités des tourbières

Les tourbières constituent un type particulier de zone humide caractérisé par l'accumulation de matière organique peu ou pas décomposée : la tourbe. Cette accumulation résulte d'un bilan hydrique positif et de conditions anoxiques qui limitent la décomposition de la matière organique. On distingue plusieurs types de tourbières selon leur alimentation en eau et leur végétation :
  • Tourbières hautes (ombrotrophes) : alimentées uniquement par les précipitations
  • Tourbières basses (minérotrophes) : alimentées par les eaux de ruissellement et la nappe phréatique
  • Tourbières de transition : présentant des caractéristiques intermédiaires

Importance écologique des zones humides et tourbières

Ces milieux remplissent de nombreuses fonctions écosystémiques essentielles :
  • Régulation du cycle de l'eau : rétention des crues, recharge des nappes, soutien d'étiage
  • Épuration naturelle de l'eau : rétention des sédiments, absorption des nutriments
  • Réservoirs de biodiversité : habitats pour de nombreuses espèces spécialisées
  • Stockage de carbone : les tourbières stockent environ 30% du carbone terrestre mondial
  • Atténuation du changement climatique : régulation des microclimats locaux
La préservation de ces écosystèmes fragiles est donc cruciale pour maintenir l'équilibre écologique et les services qu'ils rendent. La BCAE 2 vise ainsi à encadrer les pratiques agricoles sur ces milieux sensibles pour concilier production et protection de l'environnement.

Interdictions et régulations de la BCAE 2

La BCAE 2, relative à la protection des zones humides et des tourbières, impose des restrictions importantes sur les activités agricoles dans ces milieux sensibles. Initialement prévue pour 2024, sa mise en application a été reportée au 1er janvier 2025, laissant ainsi plus de temps aux agriculteurs pour s'adapter à ces nouvelles exigences environnementales.

Interdictions strictes sur les zones identifiées

Sur les zones humides et tourbières cartographiées, la BCAE 2 interdit formellement plusieurs pratiques susceptibles d'altérer ces écosystèmes fragiles :
  • Les remblais et dépôts de matériaux, à l'exception de la fumure et des matières organiques
  • La création de nouveaux systèmes de drainage
  • La mise en eau de nouvelles surfaces
  • Les prélèvements de tourbe
  • Le brûlage des prairies
  • Le retournement des prairies permanentes
Ces interdictions visent à préserver l'intégrité hydrologique et écologique de ces milieux, ainsi que leur capacité de stockage du carbone, particulièrement importante dans le cas des tourbières.

Régulations et exceptions possibles

Bien que les interdictions soient strictes, certaines exceptions peuvent être envisagées, notamment pour des raisons de sécurité publique ou de gestion environnementale. Par exemple, des travaux d'entretien des réseaux hydrauliques existants pourraient être autorisés sous certaines conditions. Ces dérogations devront faire l'objet d'une demande auprès des autorités compétentes et d'une évaluation au cas par cas.

Mise en œuvre progressive

Le report de la mise en application à 2025 permettra de finaliser la cartographie précise des zones concernées, un enjeu majeur pour l'application équitable de la BCAE 2. Cette période transitoire servira également à informer et former les agriculteurs sur les nouvelles pratiques à adopter dans ces zones sensibles, tout en leur donnant le temps d'adapter leurs systèmes de production si nécessaire.

Contrôles et sanctions

Des contrôles seront mis en place pour vérifier le respect de ces nouvelles règles. Les infractions constatées pourront entraîner des sanctions financières, notamment des réductions des aides de la PAC. L'objectif est d'inciter fortement les agriculteurs à adopter des pratiques compatibles avec la préservation de ces milieux, tout en reconnaissant les défis que cela peut représenter pour certaines exploitations.

Impact de la BCAE 2 sur l'agriculture

La mise en place de la BCAE 2 pour la protection des zones humides et des tourbières soulève de vives inquiétudes au sein du monde agricole français. Cette nouvelle réglementation, initialement prévue pour 2024 mais reportée à 2025, pourrait avoir des répercussions considérables sur l'activité de nombreux exploitants.

Une surface agricole potentiellement impactée

Selon les estimations de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, 29% des surfaces en France seraient concernées par ces zones humides et tourbières. Ce chiffre alarmant laisse présager des contraintes importantes pour de nombreux agriculteurs. En Bourgogne-Franche-Comté, la situation apparaît particulièrement préoccupante, avec des documents de travail de l'Administration envisageant de classer jusqu'à 30% de la surface agricole utile (SAU) de la région, soit environ 1,3 million d'hectares.

Préoccupations des agriculteurs

Classification des terres

L'une des principales inquiétudes des exploitants concerne la définition précise des zones considérées comme humides ou tourbeuses. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, souligne que
dans les zones humides, la catégorie trois définie par la convention de Ramsar comprend des zones qui ne sont absolument pas humidesArnaud Rousseau, président de la FNSEA

Implications pour les exploitations

Les conséquences de cette classification sur l'activité agricole sont multiples :
  • Restriction des pratiques culturales : interdiction de drainage, de retournement des prairies, etc.
  • Diminution potentielle des rendements due à l'impossibilité d'optimiser la gestion de l'eau
  • Réduction de la surface exploitable, impactant directement la viabilité économique des fermes
  • Complexification administrative avec de nouvelles normes à respecter

Impact économique et adaptation des exploitations

L'application de la BCAE 2 pourrait entraîner une baisse significative des revenus pour de nombreux agriculteurs. Les restrictions imposées sur les zones classées humides ou tourbeuses limiteront les options de production et pourraient nécessiter des investissements importants pour adapter les pratiques agricoles. Face à ces défis, les exploitants devront envisager de nouvelles stratégies :
  • Diversification des cultures adaptées aux zones humides
  • Développement de l'agroécologie et de pratiques respectueuses des milieux sensibles
  • Recherche de valorisations alternatives des terres classées (tourisme vert, production de biomasse, etc.)
Ces adaptations nécessiteront un accompagnement technique et financier conséquent, ainsi qu'une période de transition pour permettre aux agriculteurs de s'ajuster à ce nouveau cadre réglementaire sans mettre en péril la pérennité de leurs exploitations.

Cartographie et mise en œuvre de la BCAE 2

La cartographie des zones humides et des tourbières en France, essentielle à la mise en œuvre de la BCAE 2, demeure un chantier en cours. Cette situation soulève des interrogations quant à l'application effective de cette mesure de protection environnementale, prévue initialement pour 2024 et reportée à 2025.

État actuel de la cartographie

À ce jour, la France ne dispose pas d'une cartographie exhaustive et harmonisée des zones humides et des tourbières sur l'ensemble de son territoire. Les inventaires existants, réalisés à différentes échelles (nationale, régionale, locale), présentent des disparités méthodologiques et des niveaux de précision variables. Cette hétérogénéité complique l'identification précise des zones concernées par la BCAE 2. Selon les estimations actuelles, les zones potentiellement classifiables comme humides ou tourbeuses représenteraient entre 20% et 30% de la surface agricole utile française. Cependant, ces chiffres restent approximatifs en l'absence d'une cartographie définitive.

Prochaines étapes pour la finalisation de la cartographie

Le gouvernement français a annoncé un plan d'action pour finaliser la cartographie avant l'application de la BCAE 2 en 2025. Ce plan comprend plusieurs volets :
  • Harmonisation des méthodes de délimitation des zones humides et des tourbières
  • Compilation et intégration des données existantes dans un système d'information géographique national
  • Réalisation de campagnes de terrain complémentaires pour combler les lacunes
  • Validation scientifique des résultats obtenus

Concertation pour la définition du zonage

Le Premier ministre Gabriel Attal a souligné l'importance d'une concertation approfondie avec les acteurs concernés, notamment les agriculteurs et les collectivités territoriales. Cette démarche vise à établir un zonage qui tienne compte des réalités du terrain et des enjeux socio-économiques locaux. Un comité de pilotage national, réunissant représentants de l'État, experts scientifiques et parties prenantes, a été mis en place pour superviser le processus. Des groupes de travail thématiques aborderont les questions spécifiques telles que la définition des critères de délimitation, l'intégration des données existantes et la méthodologie de validation.

Calendrier prévisionnel

Le calendrier prévisionnel pour la finalisation de la cartographie s'articule comme suit :
Période Action
Juillet - Décembre 2024 Compilation et harmonisation des données existantes
Janvier - Juin 2025 Campagnes de terrain complémentaires
Juillet - Septembre 2025 Validation scientifique et ajustements
Octobre - Décembre 2025 Finalisation et publication de la cartographie
Ce processus complexe soulève des défis techniques et organisationnels considérables. La réussite de cette entreprise conditionnera l'efficacité de la mise en œuvre de la BCAE 2 et son acceptabilité par les acteurs du monde agricole.

L'essentiel à retenir sur la BCAE 2

La mise en œuvre de la BCAE 2 nécessite encore des ajustements, notamment la finalisation de la cartographie des zones concernées. La concertation en cours pour définir le zonage et le report de l'application à 2025 offrent un délai pour adapter les pratiques agricoles. L'enjeu sera de concilier protection environnementale et viabilité économique des exploitations.