Ferry ou avion : lequel pollue le plus ?

La comparaison entre ferry et avion en termes de pollution soulève des questions sur l'impact environnemental des transports. Cet article analyse les émissions de CO2, la pollution secondaire et les perspectives d'avenir pour aider à faire des choix de voyage plus écologiques.
À retenirLes ferrys émettent environ 60 g de CO2 par km et par passager, contre 160 g pour les avions. Ces chiffres varient selon les études et méthodes de calcul.

Comparaison des émissions de CO₂ : ferry vs avion

La comparaison des émissions de CO₂ entre les ferrys et les avions soulève de nombreuses questions et fait l'objet de débats. Les chiffres varient considérablement selon les sources et les méthodes de calcul utilisées, rendant difficile une évaluation précise de l'impact environnemental de ces deux modes de transport.

Des écarts importants entre les estimations

L'Agence européenne de l'environnement avance que les ferrys émettent environ 60 g de CO₂ par kilomètre et par passager, contre 160 g pour les avions. Ces chiffres suggèrent que les ferrys seraient près de trois fois moins polluants que les avions en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Cependant, d'autres études présentent des résultats nettement différents. Par exemple, certaines sources estiment les émissions des ferrys à 267 g de CO₂ par kilomètre, dépassant ainsi les 209 g attribués aux vols long-courriers.

Facteurs influençant les émissions

Ces écarts s'expliquent par la prise en compte de divers facteurs dans les calculs :
  • Le taux de remplissage des navires et des avions
  • La consommation de carburant selon le type de moteur
  • La distance parcourue
  • Les services proposés à bord (restauration, divertissements, etc.)
Pour les ferrys, l'embarquement de véhicules et la réservation de cabines augmentent considérablement l'empreinte carbone du voyage. De même, pour les avions, les vols courts sont proportionnellement plus polluants que les vols long-courriers en raison des phases de décollage et d'atterrissage énergivores.

L'impact des traînées de condensation

Un élément souvent négligé dans les comparaisons est l'effet des traînées de condensation des avions. Selon certaines études, ces traînées pourraient multiplier par trois l'impact climatique réel des vols. En prenant en compte ce facteur, les émissions d'un vol court-courrier atteindraient 387 g de CO₂ équivalent par kilomètre, contre 280 g pour un vol moyen-courrier et 228 g pour un long-courrier.

Vers une meilleure transparence des données

L'ONG Transport & Environnement souligne le manque de transparence des compagnies maritimes concernant leurs émissions réelles. Cette opacité rend difficile une comparaison objective entre les modes de transport. Des efforts sont nécessaires pour standardiser les méthodes de calcul et obliger les opérateurs à communiquer des données fiables sur leur impact environnemental. Bien que les ferrys semblent généralement moins polluants que les avions sur des distances comparables, la complexité des facteurs en jeu et le manque de données précises empêchent de tirer des conclusions définitives. Une approche au cas par cas, prenant en compte les spécificités de chaque trajet, reste nécessaire pour évaluer l'option la moins polluante.

Impacts environnementaux secondaires : la pollution de l'air et de l'eau

Au-delà des émissions de CO₂, les ferrys et les avions ont d'autres impacts environnementaux significatifs, notamment sur la qualité de l'air et des eaux. Ces pollutions secondaires, souvent négligées dans les débats, méritent une attention particulière pour évaluer l'empreinte écologique globale de ces modes de transport.

La pollution atmosphérique des ferrys

Les ferrys, bien que moins émetteurs de CO₂ que les avions sur certains trajets, sont responsables d'une pollution atmosphérique locale considérable. Les gaz d'échappement des navires contiennent des polluants nocifs pour la santé humaine et l'environnement :
  • Dioxyde de soufre (SO₂)
  • Oxydes d'azote (NOx)
  • Particules fines (PM10) et ultra-fines (PM2.5)
Ces émissions sont particulièrement problématiques dans les zones portuaires et côtières. Des études récentes ont mis en évidence l'ampleur de cette pollution :
  • À Marseille, la concentration en particules ultra-fines est jusqu'à 20 fois plus élevée dans les quartiers proches du port que dans le reste de la ville.
  • À Bastia, lors des départs de ferrys, la pollution aux particules ultra-fines peut être multipliée par 37,5.

Impact sur la santé publique

Cette pollution atmosphérique a des conséquences directes sur la santé des populations riveraines et des passagers. Les particules fines et ultra-fines peuvent pénétrer profondément dans les poumons et le système sanguin, augmentant les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Les traînées de condensation des avions

Si les avions sont souvent pointés du doigt pour leurs émissions de CO₂, leur impact sur l'effet de serre ne se limite pas à ce seul gaz. Les traînées de condensation, ces nuages artificiels créés par le passage des avions, jouent également un rôle important dans le réchauffement climatique. Ces traînées se forment lorsque la vapeur d'eau contenue dans les gaz d'échappement se condense autour des particules de suie. Elles peuvent persister pendant plusieurs heures et se transformer en cirrus, des nuages d'altitude qui piègent la chaleur.

Effet amplificateur sur le réchauffement climatique

Selon certaines études, l'impact des traînées de condensation sur l'effet de serre pourrait être jusqu'à trois fois supérieur à celui du CO₂ émis par les avions. Ce phénomène, encore mal pris en compte dans les calculs d'empreinte carbone, pourrait donc significativement augmenter l'impact climatique réel du transport aérien.

Pollution des eaux et impact sur les écosystèmes marins

Les ferrys, en plus de leur pollution atmosphérique, ont un impact direct sur les écosystèmes marins. Les rejets d'eaux usées, de déchets et de carburant peuvent perturber la biodiversité marine et côtière :
  • Eutrophisation des eaux côtières due aux rejets d'azote et de phosphore
  • Contamination des sédiments par les hydrocarbures
  • Perturbation des écosystèmes par le bruit sous-marin
Les avions, quant à eux, ont un impact plus indirect sur les milieux aquatiques, principalement via les retombées atmosphériques de polluants émis en altitude.

Comparaison des impacts secondaires

Bien que les ferrys et les avions aient tous deux des impacts environnementaux secondaires significatifs, leur nature et leur échelle diffèrent :
Aspect Ferry Avion
Pollution atmosphérique locale Élevée (zones portuaires) Modérée (aéroports)
Impact sur l'effet de serre Modéré Élevé (traînées de condensation)
Pollution des eaux Directe et élevée Indirecte et modérée
Si le ferry semble moins impactant en termes d'émissions de CO₂, ses autres impacts environnementaux, notamment sur la qualité de l'air local et les écosystèmes marins, ne doivent pas être négligés. L'avion, quant à lui, présente un impact plus global sur le climat, amplifié par le phénomène des traînées de condensation. Une évaluation complète de l'empreinte écologique de ces modes de transport nécessite donc de prendre en compte l'ensemble de ces facteurs.

Études de cas : trajets spécifiques et leur impact carbone

Pour mieux comprendre l'impact environnemental réel des différents modes de transport, examinons des cas concrets de trajets entre Paris et deux destinations populaires : Dublin et Ajaccio. Cette analyse comparative nous permettra d'évaluer précisément les émissions de CO2 générées par le ferry et l'avion sur ces itinéraires spécifiques.

Paris - Dublin : ferry vs avion

Pour rejoindre Dublin depuis Paris, deux options s'offrent aux voyageurs :

Option ferry

Ce trajet se décompose en deux étapes :
  • Paris - Cherbourg en train : 300 km
  • Cherbourg - Dublin en ferry : 522 km
D'après les données de l'ADEME, les émissions de CO2 s'élèvent à :
  • Train : 1,73 kg CO2e (5,77 g CO2e/km/passager)
  • Ferry : 31,32 kg CO2e (60 g CO2e/km/passager)
Soit un total de 33,05 kg CO2e pour l'ensemble du trajet.

Option avion

Le vol direct Paris - Dublin parcourt 786 km. Selon l'ADEME, un vol court-courrier émet en moyenne 258,6 g CO2e/km/passager, ce qui représente 203,26 kg CO2e pour ce trajet.

Paris - Ajaccio : ferry vs avion

Option ferry

Le trajet se décompose ainsi :
  • Paris - Toulon en TGV : 694 km
  • Toulon - Ajaccio en ferry : 266 km
Les émissions de CO2 correspondantes sont :
  • TGV : 1,39 kg CO2e (2 g CO2e/km/passager)
  • Ferry : 15,96 kg CO2e (60 g CO2e/km/passager)
Le total pour ce trajet atteint 17,35 kg CO2e.

Option avion

Le vol Paris - Ajaccio parcourt 920 km. En appliquant le facteur d'émission de 258,6 g CO2e/km/passager, on obtient 237,91 kg CO2e pour ce trajet en avion.

Analyse comparative et facteurs influents

Ces exemples illustrent clairement que le ferry, combiné au train, génère nettement moins d'émissions de CO2 que l'avion sur ces itinéraires. L'écart est particulièrement marqué pour le trajet Paris - Ajaccio, où l'option ferry émet près de 14 fois moins de CO2 que l'avion. Cependant, il faut noter que l'ajout d'une voiture sur le ferry augmente considérablement son impact carbone. Selon les calculs du site EcoPassenger, embarquer un véhicule peut multiplier par 3 à 4 les émissions par passager. Ainsi, pour une famille de 4 personnes voyageant avec leur voiture sur le trajet Toulon - Ajaccio, les émissions pourraient atteindre environ 60 kg CO2e, soit près de 4 fois plus que sans véhicule. Il est également important de prendre en compte la durée du voyage. Si le ferry s'avère plus écologique, il nécessite généralement plus de temps. Par exemple, le trajet Paris - Dublin en ferry et train peut prendre jusqu'à 24 heures, contre 1h40 en avion. Cette différence de durée peut influencer le choix des voyageurs, notamment pour des déplacements professionnels ou des courts séjours. Ces études de cas démontrent que le ferry, associé au train, représente une alternative nettement moins polluante que l'avion pour ces destinations. Toutefois, l'impact environnemental du ferry augmente significativement lorsqu'on y embarque un véhicule. Les voyageurs soucieux de réduire leur empreinte carbone devraient donc privilégier le ferry sans voiture lorsque cela est possible, tout en tenant compte des contraintes de temps et de la nature de leur voyage.

Perspectives d’avenir : innovations et solutions durables

L'avenir du transport maritime et aérien se dessine à travers des innovations technologiques visant à réduire drastiquement leur empreinte environnementale. Les compagnies de ferry et les constructeurs aéronautiques rivalisent d'ingéniosité pour développer des solutions durables, répondant aux enjeux climatiques actuels.

Propulsion propre pour les ferrys

Les ferrys semblent avoir une longueur d'avance dans la course à la décarbonation. Selon l'ONG Transport & Environnement, leur transition vers des énergies plus propres apparaît plus aisée que celle de l'aviation. Un porte-parole de l'organisation explique :
"À l'avenir, les ferrys utiliseront des modes beaucoup plus propres pour naviguer. Les distances parcourues étant relativement courtes ou moyennes et les routes empruntées restant les mêmes, il leur sera facile d'adopter la propulsion électrique ou à hydrogène en rechargeant leurs navires une fois à quai." Porte-parole de Transport & Environnement
Plusieurs projets prometteurs sont déjà en développement :
  • Propulsion électrique : des batteries de grande capacité permettraient aux ferrys d'effectuer des trajets courts sans émission
  • Hydrogène : production d'électricité à bord via des piles à combustible, pour des trajets plus longs
  • Voiles rigides : exploitation de l'énergie éolienne pour réduire la consommation de carburant

Défis et innovations dans l'aviation

L'industrie aéronautique fait face à des défis techniques plus importants pour réduire ses émissions. Néanmoins, plusieurs pistes sont explorées :

Carburants durables d'aviation (SAF)

Les SAF, produits à partir de biomasse ou de déchets, permettent de réduire les émissions de CO2 jusqu'à 80% par rapport au kérosène classique. L'Union Européenne a fixé des objectifs d'incorporation progressive : 2% en 2025, 5% en 2030 et 63% en 2050.

Avions électriques et à hydrogène

Pour les vols courts, des prototypes d'avions électriques sont en développement. Airbus travaille sur un concept d'avion à hydrogène, ZEROe, visant une mise en service d'ici 2035. Ces technologies restent cependant limitées aux trajets courts et moyens-courriers.

Repenser notre rapport au voyage

Au-delà des innovations technologiques, une réflexion plus profonde sur nos habitudes de déplacement s'impose. Le ferry, malgré sa lenteur relative, offre une expérience de voyage différente, plus contemplative. Cette temporalité étirée pourrait devenir un atout dans un monde en quête de sens et de reconnexion avec l'environnement. Les compagnies maritimes misent sur ce changement de paradigme, proposant des traversées plus confortables et enrichissantes. L'idée du "slow travel" gagne du terrain, invitant les voyageurs à privilégier la qualité de l'expérience sur la rapidité du déplacement. Ainsi, le choix entre ferry et avion ne se résume plus à une simple question d'émissions de CO2. Il s'inscrit dans une réflexion plus large sur notre rapport au temps, à l'espace et à l'environnement. Les innovations à venir dans ces deux modes de transport façonneront sans doute profondément nos façons de voyager dans les décennies à venir.

L'essentiel à retenir sur la pollution des ferrys et avions

Les progrès technologiques offrent des perspectives encourageantes pour réduire l'impact environnemental des transports maritimes et aériens. La propulsion électrique ou à hydrogène pour les ferrys et les innovations dans l'aviation pourraient transformer le secteur. Repenser notre rapport au voyage et valoriser la lenteur pourrait également contribuer à des déplacements plus durables.